Laura, 15 ans, préfère la compagnie des garçons, celle de Jimmy, Sofiane et Théo. Les mimiques travaillées, les soirées filles, c’est pas trop son truc. Mais lorsqu’elle repousse les avances de Sofiane, ses amis lui tournent le dos et Laura se retrouve isolée et vulnérable. Seule en cours, seule au self, seule dans les couloirs. Les pires ragots circulent à son sujet sur les réseaux sociaux, la rumeur enfle et l’isolement de Laura grandit. Jusqu’à sa rencontre avec Joséphine, élève solitaire et marginale comme elle, qui va l’aider à relever la tête et à dénoncer le harcèlement dont elle est victime.
QUESTIONS À GAËL AYMON :
Vous avez été successivement comédien, scénariste et réalisateur de courts métrages, producteur… Quel cheminement vous a conduit jusqu’à la littérature pour adolescents ?
La littérature jeunesse m’attendait au bout du chemin. Je ne saurais pas l’expliquer. C’est comme si tout s’était passé “naturellement”. Les univers de l’enfance, de l’adolescence, ont toujours été au coeur de mes projets, qu’ils soient rôle, scénario, film ou spectacle. À mes yeux, ce sont des publics précieux. Pour le moment, je suis sans trop réfléchir la pelote qui se dévide devant moi et m’indique la route.
Votre roman Ma réputation traite d’un sujet délicat, le harcèlement entre élèves. Pourquoi avoir choisi ce thème et quel éclairage avez-vous voulu donner à celui-ci ?
Parce que nous l’avons tous connu. Le harcèlement à l’école a toujours existé. Nous avons tous de ces vagues souvenirs, désagréables et dérangeants, dont nous essayons de nous détourner parce qu’ils pourraient nous en dire trop long sur nous-mêmes. Ça a d’ailleurs été assez dur de regarder ces zones d’ombre en face. C’est la première fois que j’écris en partant consciemment d’un thème. Je voulais absolument éviter de le traiter avec misérabilisme. Je ne voulais pas non plus qu’il envahisse le récit, qu’il soit central. Le roman traite de nombreux autres sujets. Ne pas écrire un manuel pédagogique sur le harcèlement mais le récit d’une jeune fille qui affronte sa propre adolescence. Il fallait surtout que Laura ne fasse pas pitié. Qu’elle soit forte et touchante.
Gaël Aymon en quelques mots :
Les auteurs avec qui j’aimerais dîner :
C’est déjà fait pour la plupart ! Sinon… Virginie Despentes ? Malorie Blackman ? Harper Lee ? Des auteurs dont la conversation serait susceptible d’être aussi (ou plus) intéressante que leurs livres, ce qui n’est pas forcément toujours le cas.
Les héros ou héroïnes de fiction que j’aimerais rencontrer :
Paul Atréides et sa mère (Dune, de Frank Herbert), un ou deux schtroumpfs (mais pas cent ! juste pour voir à quoi ils ressemblent en vrai !), Justin Quayle (The constant Gardner, de John le Carré, adapté au cinéma par Fernando Meirelles) ou Madame de Tourvel (Les Liaisons dangereuses, de Choderlos de Laclos) pour les réconforter, Baba Yaga (juste pour me faire peur !)… Mais, à vrai dire, la plupart des héros doivent être très ennuyeux dans la vie.
Les héros ou héroïnes de fiction que je n’aimerais pas croiser :
Martine et le Petit Prince (et surtout pas ensemble !). La fée du robinet et la sorcière de la rue Mouffetard, pour d’autres raisons.
Les musiques qui m’accompagnent dans l’écriture :
Différentes à chaque livre, selon les besoins de l’histoire ! Liszt et Prokofiev pour certains contes. Brel, Purcell, DJ Mad Dog pour certains romans ados. La BO d’Assassin’s creed IV pour certains passages du tome 1 des Héros Oubliés… Ce n’est jamais qu’un outil pour m’aider à trouver l’ambiance juste. Sinon, je préfère écrire en semi-silence, sur bruit de fond de rue ou d’un intérieur de wagon de train.
Le concert de ma vie :
Romeo et Juliette de Prokofiev par Rudolf Noureev à l’Opéra Bastille, dansé par Monique Loudières, il y a vingt ans et des poussières. Découverte inattendue de néophyte. Claque magistrale.
Les albums CD que je conseillerais les yeux fermés :
Je ne conseille jamais la musique que j’aime. Je me la garde égoïstement comme un plaisir solitaire.
Les films dont je ne me lasserai jamais :
Hélas, je me lasse même de mes préférés ! Les œuvres sont rattachées à des époques de la vie et vieillissent avec elles. Épouses et concubines (de Zhang Yimou) ou La Nuit du chasseur (de Charles Laughton) ont peut-être survécu à ce passage du temps par leur simplicité formelle. Je devrais vérifier !
Les héros et héroïnes de mon enfance :
Thémis et Noumaïos (Ulysse 31), Esteban et Zia, Fantômette et le Club des cinq, Philémon, Yoko Tsuno, les méchants de contes…
Le métier que j’aimerais faire dans une autre vie :
Musicien ? Danseur ? Astronaute ? J’ai du mal à me projeter dans une vie rêvée. Je n’ai jamais rêvé d’être auteur et je m’y trouve pourtant à ma place.
Le pays où je désirerais vivre :
La France me convient parfaitement (en tout cas, telle qu’elle est jusqu’à présent). Je n’ai pas du tout envie de vivre ailleurs.
Le mot que je préfère :
Je ne suis pas fétichiste de la langue. Oui, je sais, mes réponses ne sont pas drôles !
Le mot que je déteste :
Des expressions courantes, plutôt. Le déprimant et pessimiste “Bon courage” employé partout à la place d’“Au revoir”.
Ma devise :
Je ne détiens aucun secret, aucune formule magique.
Il faut prendre le voile, préserver son désir,
ne jamais s'en départir, rester bien à l'intérieur de soi.
Exiger autant de soi que des autres.
“Vigiler” pour les autres autant que pour soi.
Vouloir avec une inentamable opiniâtreté.
Être sa vérité.
Ne jamais perdre espoir.
Vouloir recommencer.
Avoir peur mais avancer toujours.
(Barbara)
“Alors c’est possible. Perdre ses amis en une seconde et demie et se retrouver le bolos de la classe ! Toute la journée, le même scénario : je suis allée m’asseoir au premier rang sans regarder les garçons. D’un cours à l’autre, les murmures se sont atténués. La classe s’est habituée plus vite que moi à la nouvelle donne.
Le pire a été le self, quand il a fallu chercher une table à laquelle m’asseoir, comme une mendiante qui n’a plus personne. Je me suis rappelé qu’avant, j’étais timide. Je ne parle pas facilement. C’est mes potes qui me permettaient de faire la fière. Sans eux, je me sens banale. De leur côté, les garçons avaient l’air tranquilles, comme s’ils n’avaient attendu que ça, que je les lâche. Ils blaguaient même ! Peut-être moins naturellement que d’habitude mais je n’avais pas le coeur à les regarder pour savoir.
À croire que, tout ce temps, je les dérangeais ! J’étais la seule à penser que je faisais partie du groupe alors que je devais les empêcher de se comporter librement. Peut-être que c’est juste parce que Sofiane voulait sortir avec moi que les deux autres m’ont acceptée si longtemps. Et si je l’avais laissé faire ? Il se serait passé quoi ?”
Depuis 2010, GAËL AYMON s’est tourné vers la littérature jeunesse après une expérience de comédien, scénariste, réalisateur et producteur. Auteur de contes, d’albums et de romans, dont cinq “Romans ado” Ma réputation, Oublier Camille, Mon âme frère et Les Héros oubliés (Tome 1 - Aux portes de l'oubli et Tome 2 - Les Maîtres) publiés aux éditions Actes Sud Junior. Il enseigne également le théâtre aux enfants et aux adolescents.
Photo Gaël Aymon © William Beaucardet